Je comprends sous la première espèce la France, l'Espagne, l'Angleterre, le Dannemarck, la Suede, l'Allemagne, la Pologne et généralement toute l'Europe, à la réserve d'une partie de la Moscovie. On y peut encore adjoûter une petite partie de l'Afrique, à prendre depuis les Royaumes de Fez et Maroc, Alger, Tunis er Tripoly, jusques au Nil; de même qu'une bonne partie de l'Asie, comme l'Empire du grand Seigneur, avec les trois Arabies, la Perse toute entiere, les États du grand Mogol, le Royaume de Golconda, celui de Visapour, les Maldives, et une partie des Royaumes d'Arakan, Pegu, Siam, Sumatra, Bantan et Borneo. Car quoique les Egyptiens, par exemple, et les Indiens soient fort noirs, ou plûtot bazanés , cette couleur ne leur est pourtant qu'accidentelle, et ne vient qu'à cause qu'ils s'exposent au Soleil; puis que ceux qui se conservent, et qui ne sont point obligés de s'y exposer, aussi souvent que le Peuple, ne sont pas plus noirs que beaucoup d'Espagnols. Il est vrai que la plûpart des Indiens ont quelque chose d'assez différent de nous dans le tour du visage et dans la couleur qui tire souvent sur le jaune; mais cela ne semble pas suffisant pour en faire une espéce particuliere: ou bien il en faudroit faire aussi une des Espagnols, une des Allemans, et ainsi de quelques autres Peuples de l'Europe.
Sous la deuxième espèce, je mets toute l'Afrique, excepté les Côtes dont nous venons de parler. Ce qui donne lieu de faire une espéce différente des Africains, ce sont 1. Leurs grosses lévres et leurs nez écaché, y en ayant fort peu parmi eux , qui aient le nez aquilin et les lèvres d'une grosseur médiocre; 2. La noirceur qui leur est essentielle, et dont la cause n'est pas l'ardeur du Soleil, comme on le pense; puis que si l'on transporte un noir et une noire d'Afrique en un Pays froid, leurs enfants ne laissent pas d'être noirs aussi bien que tous leurs descendants jusques à ce qu'ils se marient avec des femmes blanches. Il en faut donc chercher la cause dans la contexture particuliere de leur corps, ou dans la semence, ou dans le sang qui sont néanmoins de la même couleur que par tout ailleurs. 3. Leur peau qui est comme huileuse, lice et polie, si l'on excepte les endroits que sont rôtis du Soleil; 4. Leurs trois ou quatre poils de barbe. 5. Leurs cheveux, qui ne sont pas proprement des cheveux, mais plûtôt une espéce de laine qui approche du poil de quelquesuns de nos Barbets. Et enfin leurs dents plus blanches que l'yvoire le plus fin, leur langue et tout le dedans de la bouche avec leurs lèvres rouges que du corail.
La troisième espéce comprend une partie des Royaumes d'Arakan et de Siam, de l'Isle de Sumatra et de Borneo, les Philippines, le Japon, le Royaume de Pegu, le Tunkin, la Cochinchine, la Chine, la Tartarie qui est entre la Chine, le Gange et la Moscovie, l'Usbek, le Turquestan, le Zaquetay, une petite partie de la Moscovie, les petits Tartares et les Turkomans qui habitent le long de l'Eu phrate, tirant vers Alep. Les habitans de tous ces pays-là sont véritablement blancs; mais ils ont de larges épaules, le visage plat, un petit nez échaché, de petits yeux de porc, longs et enfoncés, et trois poils de barbe.
Les Lapons composent la quatrième espèce. Ce sont de petits courtaux avec de grosses jambes, de larges épaules, le col court, et un visage, je ne sçais comment tiré en long, fort affreux et qui semble tenir de l'Ours. Je n'en ai jamais vû que deux à Dantzic; mais selon les portraits que j'en ai vûs et le rapport qui m'en a été fait par quantité de personnes qui ont été dans le Pays, ce sont de vilains animaux. Pour ce qui est Américains, ils sont à la vérité la plûpart olivâtres, et ont le visage tourné d'une autre maniere que nous. Néanmoins je n'y trouve point une asset grande, différence pour en faire une espéce particuliere et différente de la nôtre.
Au reste comme dans notre Europe la taille, le tour de visage, le couleur et le poil sont ordinairement fort différens, ainsi que nous l'avons dit, il en est de même des autre parties du monde: Car, par exemple, les Noirs du Cap de Bonne-Espérance semblent être d'une autre espéce que ceux du reste de l'Afrique. Ils sont ordinairement plus petits , plus maigres, secs, laids de de visage, vites à la course, aimant avec passion les charognes qu'ils mangent toutes cruës, et dont ils entortillent les boyaux autour de leurs bras et de leur col, comme on voit ici quelquefois à nos chiens de Bouchers, pour les manger ensuite dans le besoin, bûvans de l'eau de Mer quand ils n'en ont point d'autre, et parlant un langage tout-à-fait étrange et presque inimitable aux Européans. Quelques Hollandais disent qu'ils parlent Coq-d'Inde.